BRYGOS (PEINTRE DE)

BRYGOS (PEINTRE DE)
BRYGOS (PEINTRE DE)

BRYGOS PEINTRE DE (1er tiers \BRYGOS (PEINTRE DE) Ve s.)

La deuxième génération des peintres de vases attiques à figures rouges peut être divisée en deux groupes: ceux qui, comme le Peintre de Berlin ou le Peintre de Cléophradès, décorent surtout de grands vases (amphores ou cratères par exemple), et ceux qui, en nombre au moins égal, préfèrent se spécialiser dans la décoration de récipients plus petits, en particulier des vases à boire tels que coupes et skyphos (gobelets assez profonds, à anses horizontales). Parmi ces derniers peintres, plusieurs maîtres de grand talent, dans la lignée d’Oltos, d’Épictétos ou d’Euphronios, portent à son point d’achèvement la qualité impeccable du dessin et le rendu du moindre détail. Mais le plus doué est celui, à ce jour anonyme, que l’on désigne sous le nom conventionnel de Peintre de Brygos, d’après le nom du potier qui a signé (Brygos époiésen ) au moins cinq des coupes dont le décor lui est attribué.

Le Peintre de Brygos fut un créateur prolifique, auquel on assigne actuellement près de deux cent cinquante vases, dont environ cent quatre-vingts coupes ou fragments de coupes, une quinzaine de rhytons (vases à boire en forme de corne), une dizaine de skyphos et une vingtaine de lécythes (variété de vases à parfum), plus quelques autres petits vases ou fragments divers. Environ trois cents autres vases ou fragments (essentiellement des coupes) sont décorés par des peintres souvent très proches du maître lui-même. Le Peintre de Brygos a en effet été l’animateur d’un atelier, d’un cercle, d’une école même, dans laquelle ont évolué avec talent une bonne dizaine de décorateurs, parmi lesquels on peut retenir les noms suivants, conventionnellement donnés d’après le sujet de l’œuvre principale: Peintres de la Fonderie, de la Dokimasie, de Briséis et de la Gigantomachie de Paris.

La carrière du Peintre de Brygos commence au tout début du \BRYGOS (PEINTRE DE) Ve siècle sous l’influence du grand Euphronios et probablement d’un autre peintre nommé Onésimos (le nom est donné par une signature qui figure sur la coupe G 105 du Louvre), dont les premières œuvres remontent à la fin du \BRYGOS (PEINTRE DE) VIe siècle et qui est très proche, à ses débuts, d’Euphronios. Après quelques œuvres tout à fait dans la tradition des pionniers, le Peintre de Brygos atteint l’apogée de sa carrière à l’époque des guerres médiques, entre \BRYGOS (PEINTRE DE) 490 et \BRYGOS (PEINTRE DE) 475 environ. S’appuyant manifestement sur une observation réaliste de ses contemporains, il peint, avec une rigueur bien caractéristique du style «sévère» et une vigueur de trait qui lui est propre, des scènes d’une vie intense où les personnages, humains ou divins, sont campés dans des attitudes à la fois naturelles et expressives, et animés, par la magie de quelques traits bien choisis, de sentiments vifs mais toujours contenus dans les limites d’une grande dignité: arrogance d’Achille mollement étendu et ne regardant même pas le vieux Priam qui vient lui demander le cadavre de son fils Hector (skyphos de Vienne, Kunsthistorisches Museum, 3710); extase mystique de Dionysos, emporté par son enthousiasme lyrique (médaillon de la coupe de Paris, cabinet des Médailles, Bibl. nat., 576); tendresse d’une jeune femme soutenant de ses deux mains le front de son ami malade d’un excès de boisson (médaillon de la coupe de Würzburg, Martin von Wagner Museum, 479); désir amoureux d’hommes entraînant chacun avec empressement une jeune femme (skyphos du Louvre, G 156).

Comme ses grands contemporains, le Peintre de Brygos présente aussi bien des scènes de genre (banquets, farandoles de cômastes, exploits sportifs ou guerriers) que des scènes inspirées par la tradition légendaire ou mythologique. C’est surtout dans ces dernières qu’il manifeste le mieux sa riche personnalité, non seulement du point de vue formel, par une «mise en page» toujours parfaite et un sens aigu de la composition, mais aussi dans le choix des sujets: thèmes rares, sinon uniques (ainsi Tekmessa recouvrant le cadavre d’Ajax dans le médaillon d’une coupe de la collection Bareiss, en dépôt au Metropolitan Museum de New York, L.69.11.35 — selon l’interprétation la plus vraisemblable du document, ou originalité dans la façon de traiter un thème souvent exploité (ainsi dans le sac de Troie, sur la coupe du Louvre, G 152, l’introduction d’un élément inconnu de la tradition littéraire: Néoptolème s’apprête à tuer Priam en lançant contre lui, avec une violence inouïe, le corps dénudé de son propre petit-fils, Astyanax). Son goût du mouvement l’amène à choisir, parmi les héros de l’épopée ou parmi les dieux, ceux qui sont les plus dynamiques: Achille et Héraklès d’une part, Dionysos avec ses satyres et ses ménades d’autre part. Parmi les épisodes légendaires, ceux qu’il traite avec le maximum de réussite sont les plus violents: mise à sac de Troie, déjà citée, combat des dieux et des géants à l’extérieur de la coupe de Berlin, Staatliche Museen, 2293 — un de ses chefs-d’œuvre. Parmi les scènes de la vie familière, il privilégie les rondes de fêtards et les entraînements sportifs, et il anime même les scènes plus statiques de banquet. Souvent, dans le cas des coupes, à un tableau extérieur exprimant violence et agitation s’oppose un médaillon calme et serein, empreint de la douceur d’une jeune femme seule (ainsi Séléné, la Lune, dans le médaillon de la coupe de Berlin) ou de deux personnages tendrement placés face à face (ainsi le vieux Phœnix et la jeune Briséis dans le médaillon de la coupe du Louvre, G 152).

Quel que soit le sujet traité, le Peintre de Brygos, dans ses meilleures œuvres, crée toujours des personnages débordants de vie, capables de nous émouvoir autant que de nous plaire. Cette vie tient avant tout à l’art du dessin, à la finesse et à la fermeté conjointes du trait, en particulier pour le rendu des lèvres, du nez, de l’œil, parfaitement bien cadré, des sourcils, en général haut placés, des cheveux, presque toujours soigneusement bouclés ou frisés, des mains enfin, très caractéristiques, avec leurs doigts longs et souples, et aussi des draperies, toujours impeccablement plissées, souvent ornées de petits points et ourlées de galons noirs. Mais cette vie tient aussi à des indications d’un grand réalisme pictural: jeux de vernis plus ou moins dilué, passant par toutes les gammes des noirs et des bistres pour la couleur de la chevelure et, éventuellement, pour celle des poils qui, d’une façon très nouvelle, se développent en touffes réalistes sur la poitrine et le ventre des hommes d’âge mûr (très bel exemple sur le skyphos du Louvre, G 156); même usage du vernis dilué pour créer des effets d’ombre; emploi du blanc pour la chevelure et la barbe des vieillards (ainsi de Priam, sur le skyphos de Vienne) et du rouge pour matérialiser le sang qui coule dans certaines scènes de violence (ainsi pour l’Ilioupersis du Louvre). Elle tient enfin à un souci indéniable de pittoresque, par exemple dans la présentation des Pygmées en lutte contre les grues sur le col du rhyton de Saint-Pétersbourg (musée de l’Ermitage, 679), et surtout au soin apporté à bien différencier les personnages selon leur sexe et selon leur âge, non seulement par l’anatomie, mais encore par l’attitude et l’expression du visage, ce qui aboutit entre autres à des représentations de femmes et surtout d’enfants telles qu’on n’en avait encore jamais vu dans l’art grec (ainsi le garçonnet à l’extérieur de la coupe de Boston, Museum of Fine Arts, 10.176).

Après \BRYGOS (PEINTRE DE) 480/\BRYGOS (PEINTRE DE) 475, le Peintre de Brygos poursuit sa carrière pendant au moins une dizaine d’années, mais son génie créateur l’a quitté, évolution tout à fait comparable à celle de son contemporain, le Peintre de Berlin.

Parmi les proches compagnons du Peintre de Brygos, celui dont les mérites artistiques sont les plus grands porte le nom conventionnel de Peintre de la Fonderie, d’après le sujet du décor de la coupe de Berlin (Staatliche Museen, 2294) où l’on voit des sculpteurs en train de fondre puis d’assembler les éléments de diverses statues de bronze, qui témoignent du sens de l’observation réaliste de l’artiste. On lui attribue une cinquantaine de vases, essentiellement des coupes.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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